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Les Guerres Theologiques Philosophiques de la Fin de l'Histoire

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Conférences des 17 et 31 mai 2025 à Carluc-en-Luberon (04) à RENOUVELER
Voir à ce sujet la partie conférences, conférences mystiques spéciales, de la page d'accueil du site www.cahiersresurgences.eu, l'article "le bateau des philosophes russes" sur cette même page, l'article "la conscience de Staline" sur la p. 1 de ce même site et l'article "Maurras, Maritain, Berdiaev..." sur la p. 2 de ce même site.
Voir également, avec les articles de cette présente page, les articles de la p. 1 et 3 du présent site.
On trouvait ici un article désormais supprimé sur l'ouvrage de GUSTAVE CORCAO : LE SIECLE DE L'ENFER (Editions Ste Madeleine, réédité en 1994)
Dans un désir de conciliation dans la recherche intellectuelle, nous avions voulu donner le point de vue d'un auteur de droite nationaliste catholique sur les conflits religieux et politiques des années 30, en particulier entre Jacques Maritain, la revue Esprit et l'Action Française. Nous avions évidemment critiqué son point de vue et avions souhaité vérifier certains faits à la source. Pour cela, nous avons pris connaissance de deux ouvrages répercutant les écrits, les paroles et les actes des personnages mis en cause par Gustave Corçào, c'est-à-dire Jacques Maritain, Nicolas Berdiaev et Emmanuel Mounier, pour l'essentiel.
Il s'agit donc de NICOLAS BERDIAEV JACQUES MARITAIN : UN DIALOGUE D'EXCEPTION (1925-1948) (YMCA Press ed., 2022).
Il s'agit aussi de JACQUES MARITAIN & EMMANUEL MOUNIER : CORRESPONDANCE (Desclée de Brouwer ed., 2016).
A noter que ces deux ouvrages contiennent également nombre de correspondances d'autres acteurs de l'époque et nombre d'extraits des carnets intimes de Jacques Maritain et Emmanuel Mounier.
23/11/2025 - A la lumière de l'étude de ces deux ouvrages, nous avons dû faire le constat flagrant, de la part de l'ouvrage de Gustave Corçào, de mensonges grossiers sur de simples informations factuelles, du style : "il n'y avait plus de contacts, d'échanges entre Maritain et Mounier à partir de telle année et pour les nombreuses années suivantes". Les interprétions de Corçào n'étaient déjà pas d'une convaincante et élégante portée mais tromper aussi grossièrement ses lecteurs sur des faits indiscutables est inadmissible. Malheureusement, c'est une pratique de plus en plus courante, surtout chez les nationalistes.
Voilà pourquoi nous avons supprimé cet article pour le remplacer par une étude de ces conflits religieux et politiques des années 30 à partir des sources mêmes : correspondances, carnets intimes, etc.
Commençons par le premier ouvrage : Maritain-Berdiaev. Sur le débat et les rencontres entre Maritain et Berdiaev ou les conférences communes qu'ils ont organisées avec d'autres penseurs, la matière est d'une telle richesse qu'il serait beaucoup trop long de la résumer. Rapportons un premier propos d'un des présentateurs de cet ouvrage, Bernard Hubert, à la p. 70 concernant le lieu de rencontres qu'on appelait le "Studio franco-russe" : "Et, comme le signale Léonid Livak, tous ces groupements qui fréquentaient le Studio à ce moment-là "russes aussi bien que français, s'intéressaient particulièrement à la renaissance spirituelle -plus exactement, chrétienne- de la culture occidentale plutôt qu'aux idéologies totalitaires qui dominaient le paysage politique et intellectuel de l'époque." D'après Pierre Van der Meer, au Studio franco-russe "les débats (...) étaient fort animés : des Russes et des Français, vieux messieurs ou très jeunes hommes, discutaient au sujet de Dostoïevski, André Gide, Tolstoï, Soloviev, Lénine, l'Eglise, le marxisme, le fascisme, la littérature, la sociologie, la religion. Un chaos d'opinions et de systèmes, pour ou contre. Une agitation passionnée régnait habituellement dans une salle comble. Simultanément des applaudissements et des coups de sifflet, des protestations et des acclamations se faisaient entendre".
On est heureux d'apprendre que sur ces sujets, on trouvait encore un public enthousiaste, loin des débats politico-politiques. Nos contemporains pourraient en prendre de la graine.
Pour entrer tout de suite dans le vif de la querelle, citons ce propos que rapporte Bernard Hubert p. 21 : "Cette amitié valut d'ailleurs à Maritain l'accusation, lancée par certains maurrassiens après la publication de PRIMAUTE DU SPIRITUEL, d'être "tombé sous la coupe de Berdiaev", introduisant insidieusement dans le catholicisme les rêveries d'un slave..." .
Page 44, dans Primauté du Spirituel, Maritain observe que : "peu d'événements, dans l'histoire du monde, ont été chargés d'une importance aussi mystérieuse et aussi tragique que l'épreuve spirituelle subie actuellement par la Russie, et par l'Eglise russe... Ce n'est pas non plus sans raison que la Providence a dispersé à travers l'Europe un si grand nombre de Russes exilés de leur pays, et toute une jeunesse avide de rénovation religieuse."
Dans un débat au Studio franco-russe du 27 janvier 1931, Maritain commence le premier sa conférence sur Descartes :
"Je crois que la philosophie russe oppose volontiers la conception théandrique qui reconnaît que le Verbe s'est fait chair et place toute chose sous le signe de l'Incarnation, et la conception anthropo-théiste qui veut que l'homme se fasse Dieu et ordonne toute chose à cette conquête de la divinité... Eh bien ! Descartes a donné à l'anthropo-théisme ses lettres de crédit philosophiques, c'est pourquoi nous lui faisons la guerre... C'est le marxisme qui, à son avis, représente l'état le plus actuel et le plus actif de l'anthropo-théisme... Peut-être la philosophie russe moderne aurait elle avantage à faire au sujet de Hegel ce que nous avons essayé de faire au sujet de Descartes." (p. 72)
Page 76, ces propos de Berdiaev qui se dit "complètement anticartésien" mais déclare aussi : "Je défends Descartes d'un point de vue tout à fait spécial, je dirais d'un point de vue historiosophique" au sens où "l'avènement de Descartes, c'est un acte dans ce drame de la connaissance philosophique" parce que "lorsque le problème du sujet est posé, alors le point de vue objectif réaliste est surpassé. C'est un moment dans l'histoire de la philosophie de la connaissance." "L'esprit a été révélé dans la vie religieuse... Mais dans la pensée philosophique, purement philosophique, la philosophie de l'esprit n'existait pas encore à l'époque de la scolastique. La vie de l'esprit devait être découverte aussi dans la pensée philosophique et par la pensée philosophique... cela se réalise par un drame, par étapes, par des actes qui se succèdent." Maritain lui répond, dans ce fameux débat, entre autres cela : "Eh bien ! dans le cas de Descartes, le diable a poussé à la roue, c'est-à-dire que, grâce à l'idéalisme et au rationalisme cartésiens, un problème nouveau a été posé (mal posé, hélas !), problème que nous devons respecter, qui reste là, qu'il importe de traiter, mais qui est intimement lié chez Descartes, à des erreurs fondamentales, et qu'on ne peut résoudre convenablement qu'en le posant autrement que ne le fait l'idéalisme."
Bernard Hubert conclut son récit p. 80 de ce débat : Puisqu'en réalité au réalisme critique de la lumière naturelle de l'intelligence selon Maritain, s'opposait le réalisme mystique de Berdiaev selon lequel la vérité est perçue et possédée dans et moyennant l'expérience spirituelle. Page 97, B. Hubert cite une lettre du 30 mars 1932 de l'abbé suisse (Fribourg) Charles Journet (qui deviendra plus tard Monseigneur) à son grand ami Jacques Maritain à propos de Nicolas Berdiaev et de Dostoïevski : "Pour Berdiaev... quand je l'accuse de ne pas accepter l'Incarnation, c'est parce qu'il me semble que dès qu'on nie une des thèses essentielles de l'Eglise, c'est déjà qu'on a méconnu virtuellement au moins l'Incarnation. Au nom de la liberté telle que l'entend Dostoïevski... Berdiaev s'insurge non seulement contre les abus du pouvoir coercitif ni contre une façon erronée d'entendre le catholicisme (celle de l'AF) mais contre la thèse même du pouvoir coercitif, plus encore contre la thèse d'un pouvoir juridictionnel ayant qualité pour obliger les consciences".
Le 24 avril 1932, Maritain écrivit à Journet : "Je voudrais vous écrire longuement au sujet de Berdiaev et du Grand Inquisiteur (vous êtes si bon de tenir compte des remarques impromptues que je vous ai envoyées). Oui, Berdiaev est plein d'erreurs. Mais 1) un énoncé, une proposition n'a pas chez lui la même valeur que chez nous parce que la philosophie reste chez lui enveloppée dans les langes d'une sorte de poésie prophétique. Alors il y a souvent un opinion vigoureuse mettant en relief un aspect des choses là où nous croyons voir une thèse déterminant d'une manière absolue ce qui est."
Le 26 avril 1932, l'abbé Journet écrivit à Maritain : "Vous êtes si bon de m'écrire encore au sujet de Berdiaev. Je sais bien que c'est vous qui avez raison. Et je vous suis profondément reconnaissant, même et surtout quand vous me bousculez un peu... Je ne vois Berdiaev qu'en fonction du milieu protestant et pan-chrétien de chez nous. Alors je le sens très dangereux et capable d'égarer autant et même plus que d'éclairer. Mais vous le jugez plus comme les anges le jugent."
Votre serviteur fait remarquer qu'il n'était peut-être pas facile a priori pour des thomistes et papistes comme Maritain et Journet de saisir l'esprit de la pensée de Berdiaev ; néanmoins, ils étaient animés d'une grande amitié et d'un grand respect pour Berdiaev, que ce dernier leur rendait bien, ce qui donnait des débats d'une très grande richesse. On sent que Maritain s'efforce de tout son coeur et de toute son amitié, pour s'approcher, se mettre au diapason de l'esprit de la pensée de Berdiaev et, en fait, de l'esprit de l'Orthodoxie, de l'esprit de l'appréhension de la Foi et de la Révélation dans l'Orthodoxie depuis l'époque du Christ. La réception, l'expérience de la Révélation est purement mystique ; donc chez les premiers récepteurs et inspirateurs du christianisme, les Pères théophores, christophores, et ensuite chez un grand nombre de mystiques chrétiens qui vivent complètement l'expérience de la Foi, la nuit obscure. Le dépôt reçu de la Révélation est purement mystique dans son contenu et d'origine purement mystique dans son expression, c'est l'essentiel de l'argument des meilleurs Pères orthodoxes, orientaux, depuis toujours, contre les prétentions du "magistère". Votre serviteur a rapporté cette expérience et cet argument dans son article "Projet chrétien orthodoxe" de la page d'accueil du site www.cahiersresurgences.eu.
Naturellement, tous les fidèles ne parviennent pas à accéder à cette expérience de la Foi ; raison pour laquelle il existe non pas un magistère mais une paternité spirituelle avec des règles, relatives, humaines, pour encourager, guider, entourer les bonnes volontés des fidèles dans leur appréhension demeurant très humaine du mystère de la Foi.
Pour en revenir au conflit (pp. 103-104), l'abbé Journet signala le 24 mars 1933 à Maritain les craintes du Père Garrigou-Lagrange qui s'inquiétait que "la revue Esprit avec les articles de Berdiaev dévie." Il ajoute : "Je ne sais ce que le Père Garrigou-Lagrange reproche à Berdiaev : est-ce son espèce de millénarisme spirituel ? ou la manière dont il parle de la propriété, offensante pour l'esprit bourgeois, mais si conforme à St Thomas ?
Votre serviteur : tiens, tiens ! St Thomas ! comme c'est étrange ! Voyons, Nicolas, ça n'est pas gentil pour la bourgeoisie...
Encore en 1940, le 13 mars, Garrigou-Lagrange à Journet : "Je crains que l'influence de Mounier et peut-être aussi, dans une mesure, celle de Berdiaev, n'ait éloigné Maritain des premières positions qu'il soutenait lorsque nous nous entendions parfaitement."
Votre serviteur : ne nous inquiétons pas, Maritain et Garrigou-Lagrange sont toujours restés amis.
Journet lui répond le 19 mars 1940 : "C'est Henri Massis qui doit faire circuler ces légendes sur l'influence de Mounier ou de Berdiaev sur Jacques. Toutes les erreurs que Mounier pourrait faire (encore qu'il dise des choses bien profondes) ou Berdiaev a faites, il faut les retrouver chez Jacques (votre serviteur : c'est-à-dire qu'il faut se persuader qu'on les retrouve chez Jacques). ET JE SAIS QU'IL Y EN A A ROME QUI ONT JURE DE FAIRE PAYER TRES CHER A JACQUES SA NON-ADHESION A UNE IDEOLOGIE POLITIQUE, CONDAMNEE AVEC FORCE PAR PIE XI ET DEPUIS PAR PIE XII, dans l'encyclique "Summi Pontificatus"
(c'est votre serviteur qui souligne).
Maritain relate brièvement dans son carnet une entrevue avec le recteur de l'Institut Catholique de Paris : "Mgr Baudrillart qui lui apprend qu'au conseil de vigilance, on a signalé les réunions d'étude de Meudon, ET LES INFILTRATIONS DE MYSTIQUE SLAVE DONT RAÏSSA ETAIT RESPONSABLE ! VRAIMENT DRÔLE." (se dit Maritain et non pas votre serviteur...) (pp. 103-104)
Page 117, Bernard Hubert évoque justement Raïssa : En 1925, Raïssa, qui connaissait le russe, avait traduit oralement à Jacques le texte original d' Un Nouveau Moyen Âge. Le 16 août 1935, Maritain note dans son carnet : Raïssa commence la lecture du livre de Berdiaev sur la morale (De la Destination de l'Homme), elle prend des notes, je lui conseille d'écrire tout ce qu'elle pense là-dessus. Peu après, il écrit : "Raïa me parle beaucoup du livre de Berdiaev où elle retrouve beaucoup de ses problèmes et de ses soucis présents ; et dont elle admire la force et la liberté. Elle écrit avec enthousiasme à Berdiaev qui lui répond avec autant d'enthousiasme : Votre appréciation de mon livre m'est d'autant plus précieuse que certainement il y a des pages qui pourront déplaire à vous et à Jakov Pavlovitch. Bernard Hubert conclut : il est clair que Raïssa fut une interlocutrice à part entière dans les relations entre Berdiaev et Maritain... Raïssa, russe d'origine et juive convertie joua en effet un rôle discret mais déterminant pour la relation amicale si paradoxale entre le philosophe thomiste et le penseur russe. Bernard Hubert a eu soin de relever que dans les ouvrages de Berdiaev retrouvés dans la bibliothèque de Maritain, toutes les annotations au crayon sont de la main de Raïssa.
Signalons encore à propos de cet oecuménisme franco-russe (p. 44) que : Lorsque Maritain écrivit ces lignes en 1927 (Primauté du Spirituel), il était déjà en contact avec des Russes orthodoxes émigrés en France dont plusieurs, notamment Eugraph Kovalevsky et Vladimir Lossky (votre serviteur : au rôle si important dans l'Orthodoxie, fondateurs de la Confrérie St Photius) venaient à Meudon certains dimanches après-midis. Comme Maritain l'écrivait, c'est avec l'amour du Christ qu'il était allé à eux, ayant déjà expérimenté les obstacles qui pouvaient se présenter à l'occasion de telles rencontres (votre serviteur : dont les théories sur l'eurasisme à propos duquel Nicolas Berdiaev écrira un ouvrage). Une autre année (citée p. 119), le 25 mai 1937, Berdiaev écrivit à Raïssa Maritain pour la prévenir... de la tenue d'une conférence du Père Boulgakov, thomisme et sophiologie (votre serviteur : c'était à l'époque un peu l'autre pendant dans l'Orthodoxie par rapport au Père Vladimir Lossky).
Votre serviteur remarque à l'occasion de la richesse de ces rencontres oecuméniques promues dans un grand esprit de franchise, de clarté et d'amitié, qu'elles procédaient de rencontres spontanées entre penseurs, mystiques et fidèles eux-mêmes, avec leurs propres moyens, leurs propres relations personnelles, leurs propres "téléphones arabes" et que n'intervenait aucunement quelque deus ex machina, quelque puissance extérieure d'argent, du style médiatique, industriel, financier, ecclésiastique, etc. C'est plutôt pour s'opposer à ces rencontres, les contrecarrer, éventuellement les récupérer, que nous verrons bientôt ce genre de puissance entrer en scène.
CORRESPONDANCE JACQUES MARITAIN-EMMANUEL MOUNIER
Pour rester dans les mêmes querelles, l'introduction nous signale p. 19, au moment de la guerre d'Espagne en 1937, les attaques qui se multiplient contre Maritain : "En France, même Claudel réagit vivement à une phrase de Maritain où il s'est élevé contre la société capitaliste moderne engendrant la misère "comme un produit normal de son fonctionnement". La lutte contre l'antisémitisme aggrave les attaques dont le contenu se teinte de racisme en visant Jacques par Raïssa. Lucien Rebatet, le 1er avril 1938, dans "Je suis partout", présente Maritain comme un "Rassenschander", un "souilleur de la race.
Votre serviteur : on voit avec persistance la nature des arguments et des injures de toute une droite nationaliste.
Pour relever les sentiments, notons ce récit d'Emmanuel Mounier dans ses entretiens-carnets intimes (30 novembre 1930)à propos de l'attitude à l'égard de l'Union Soviétique : Maritain a dit dans une conversation à Meudon : "D'abord laisser toute l'information de la grande presse. La Croix publiait encore un article ces jours-ci où l'on disait que les enfants à neuf mois sont complètement séparés de leurs mères qui ne viennent les voir que visage couvert. Et on accepte ! Que voulez-vous, je ne peux pas croire ça. Pourquoi veut on que tous les pays soient sincères, et qu'eux seuls faussent leurs informations et statistiques. L'Angleterre et nous -"ce manque d'imagination"- avons pris à leur égard une attitude d'hostilité massive que n'ont ni l'Italie ni l'Allemagne. Et ils sentent bien que l'ennemi, c'est nous deux. Leur donner le maximum de sympathie. Et ne pas intervenir. Car le grand fait, c'est celui-ci : que mettrions-nous à la place ? Ils ont fait tout de même un nettoyage sérieux, et on ne peut pas livrer la Russie à l'ancien régime... C'est toute une vue du monde, le plus formidable effort pour se passer complètement de Dieu, et c'est ce qui fait leur grandeur. C'est ce qui fait aussi qu'il ne faut pas vouloir guérir de l'extérieur mais attendre une renaissance des âmes." (p. 63)
Page 81 - Le jeudi saint 1931, Mounier écrit à Maritain : "Je n'ai rien reçu encore de la Revue Universelle". En fait, en mars 1931, Henri Massis aura écrit un article contre les conférences de Mounier sur Charles Péguy sans nommer celui-là : Charles Péguy et l'Agrégé. Le 3 août 1932, Maritain écrit à Mounier : "Je trouve votre bonne lettre... Je me réjouis particulièrement que la publication de Berdiaeff soit tout à fait décidée ; à mon sens elle a une grande importance et sur beaucoup de points "situera" du premier coup la revue, nettement et exactement. On ne pouvait rien souhaiter de mieux pour le premier numéro... le papier que vous publierez sur le surréalisme aura une grande importance quant aux positions de la revue et à la façon dont les milieux littéraires la situeront. Vous savez que Le Grand Jeu va reparaître. Il faudra donner une attention très spéciale à tout cela. Je suis de tout coeur avec vous dans votre défense de l'indépendance de la revue. Je suis persuadé que les ruptures les plus graves valent mieux que de laisser Esprit devenir "l'organe" d'un mouvement politique. Ce serait le monde renversé, c'est l'esprit qui se sert d'organes, en bonne philosophie ! Toujours la vieille querelle du "mystique" et du "politique".
Page 127 - Dimanche 13 mars 1932, dans Entretiens Mounier : Je fais chez Maritain une communication sur la propriété. Mouvements divers quand je remplace à la table une jeune hindoue : Raïssa s'est amusée à effrayer un peu les gens... De l'agitation quand j'aborde les conclusions concrètes... Maritain est entièrement avec moi.
Page 123 - ce passage important sur la méthode : Entretiens Mounier 3 janvier 1932 - "A ce moment s'amorce une discussion pendante depuis quelque temps avec Déléage sur notre attitude dans la revue en tant que catholiques et vis-à-vis des non-catholiques. Depuis le début, j'affirme mon intention énergique d'assurer l'indépendance des catholiques comme de nos autres collaborateurs et de les voir venir avec l'intégralité de leur bagage catholique. Etablir entre eux et les autres un plus petit commun multiple serait les diminuer -et eux seuls- sans les faire accepter comme l'expérience l'a cent fois montré. Déléage voudrait au contraire que nous parlions toujours pour le plus grand nombre, sans rien soulever que tous ceux qui se rallient à Esprit ne puissent accepter. Maritain m'appuie. "Si vous adoptez la méthode du minimum, dit-il à Déléage, en définissant ce minimum, vous excluez des gens qui n'y entrent pas et vous faites bien moins large qu'avec le projet de tout intégrer, jusqu'aux révolutionnaires...". Auparavant, voir p. 107 les entretiens Mounier du 24 juin 1931 : "Avec Maritain, G. Marcel, Berdiaeff Jean Hugo, Georges Izard, Déléage, P. Van der Meer, O. Lacombe... Limites. Maritain : "Il y aurait danger à vous arrêter à Fernandez qui est un bourgeois de gauche. Puisque vous voulez que rien d'humain ne vous soit étranger, il faut pouvoir publier des extrêmes, A CONDITION DE POUVOIR ENGAGER LA CONVERSATION AVEC EUX ET LEUR REPONDRE (c'est votre serviteur qui souligne). Non pas des hommes que vous n'avez pas intérêt à publier, bien sûr, comme Bayet, mais par exemple, des révolutionnaires." Nous sommes tout à fait d'accord."
Pages 146 à 149 - Cette nouvelle mise au point de clarté dans une lettre de Maritain à Mounier du 27 octobre 1932 : "J'ai repensé à ce que vous m'avez téléphoné hier, et je ne puis que confirmer ce que je vous ai dit alors. A mon sens, ce qu'il faut considérer avant tout, c'est que vous êtes dans un milieu pur, qui convient à la qualité de l'action que vous voulez exercer. Cela est d'une importance capitale. Nulle part, vous ne trouverez ces conditions de pureté, de loyauté désintéressée, d'amitié fraternelle. Passer de là dans une des cavernes littéraires de Paris, où se croisent toutes sortes d'influences d'ordre temporel, d'intrigues, de combinaisons, où règne la primauté du commerce et de la publicité, ce serait céder à une de ces tentations "de la chair et du monde" qui ne manqueront pas de vous assaillir en raison de votre succès... Demandez à Borne, qui a un peu fréquenté chez Grasset à cause de la collection de "La Vie Chrétienne", l'impression qu'il a ressentie là. Vous savez que Grasset n'a pas sa tête, le pauvre homme est entre les mains de médecins freudiens qui le rendent fou. C'est Brun qui dirige la maison. Et Brun est protestant, très hostile au catholicisme, très capable de vous jouer de très mauvais tours. Vous ne savez pas ce que c'est que d'user ses forces et son système nerveux dans des tracasseries et des difficultés, ou même seulement des accès d'inertie...
Maintenant, mon cher ami, laissez moi revenir à mon antienne. Vous savez que c'est une profonde amitié pour vous qui me pousse à vous mettre en garde contre ce qui risquerait de faire dévier votre action. Je continue à craindre qu'il n'y ait à l'origine de la revue quelque chose de dangereux et d'équivoque en ce qui concerne votre position à l'égard du catholicisme ; quelque chose qui vous travaille malgré vous et inconsciemment, parce que certaines explicitations ont été négligées au départ. En tout cas, j'ai le sentiment très vif que tout ce qui viendra du dehors accentuera le danger de ce côté. Si de jeunes communistes ou libres penseurs qui viendraient vous voir risquent une petite pâmoison en voyant accrochées au mur de l'antichambre quelques figures ecclésiastiques, cela n'aurait d'importance pour vous que SI CES JEUNES GENS CROYAIENT ALLER DANS UNE REVUE NEUTRE. ALORS IL Y AURAIT LA APPARENCE DE LEUR TENDRE UN PIEGE. MAIS VOUS N'ÊTES PAS UNE REVUE NEUTRE. ET VOUS ÊTES PERDU SI VOUS LAISSEZ, SOUS UN PRETEXTE OU UN AUTRE, LE MOINDRE GERME DE NEUTRALITE OU D'INTERCONFESSIONALISME S'INSERER EN VOUS (c'est votre serviteur qui souligne). Votre seule force véritable, nous l'avons dit mille fois, c'est la Foi et c'est l'Evangile. Il faut que ça se voie, il faut que ça soit connu, que ça puisse être dit. Sinon, c'est alors que vous serez accusé d'avoir tendu des pièges. A moins que vous ne glissiez malgré vous vers le neutralisme effectif. Tant que cette question n'est pas clairement résolue, vous serez en porte-à-faux. En raison même de la grandeur implacable des choses de l'esprit, SOYEZ BIEN PERSUADE QUE LA QUESTION : DIEU OU ATHEISME CREE UNE INEVITABLE LIGNE DE PARTAGE DES EAUX (c'est votre serviteur qui souligne). N'importe quelle action commune vient un jour se heurter à cette question. Il faut alors ou bien rompre avec les athées qu'on essayait d'entraîner, ou bien TRAHIR DIEU COMME ONT FAIT LES GENS D'ACTION FRANCAISE (c'est votre serviteur qui souligne).
Dans le sens des ruptures nécessaires, p. 144, entretiens Mounier du 12 octobre 1932 : "je viens de féconder la difficulté Maritain. Frapper un grand coup par un numéro spécial intitulé quelque chose comme Rupture du christianisme et du monde bourgeois avec deux grands noms catholiques et protestants (Maritain et K. Barth), deux déclarations de jeunes et quelqu'un du côté irréligieux qui accepterait désormais le christianisme non pas en tant qu'il renonce et concède, -mais en tant qu'il se purifie dans une vie intégrale... 21 octobre 1932 : Maritain, entrepris ce soir, est ravi d'apprendre qu'un agent de la Sûreté est venu se renseigner en bas sur nous."
Hélas, dès le mois suivant, novembre, le numéro II d'Esprit, Mounier et son équipe, trop tentée pour celle-ci d'aller vers la "révolution destructrice et athée" (même des gens de droite, Arnaud Dandieu) vont, au sens de Maritain, fourvoyer l'inspiration d'Esprit, Mounier se laissant entraîner comme il le reconnaît intimement (p. 157) dans ses carnets d'entretiens du 5 novembre 1932 : "une lettre de Maritain (à propos du numéro 2)... En gros ceci : il avait compté avec ma loyauté. Nous trahissons notre mission pour des flagorneries avec les révolutionnaires, etc. Avec... le coup a été dur. Mon coeur lui donne entièrement raison : il faudra proclamer au plus tôt le Christ et je quitterais plutôt mes amis. "Mounier devra donc clarifier sa position avec les membres de la revue L'Ordre Nouveau ; ce sera fait en janvier 1934. Quelques mois plus tard, le même problème se repose avec le numéro VIII d'Esprit.
Commençons par le début. L'amitié n'avait pas souffert entre tous de ces dures clarifications ; Jacques, Raïssa, Berdiaev, Journet et d'autres se démenaient, jouaient de leurs influences personnelles pour Mounier et Esprit, invitaient, approchaient d'autres personnalités. François Mauriac lui- même, pourtant bourgeois de droite, se disait intéressé. Sentait-on couver, malgré d'énormes difficultés qu'on pouvait craindre, l'étoile d'une souhaitable révolution capable de rassembler toutes les bonnes volontés ? En mars 1933, Maritain écrit à Mounier, entre autres : "Soyez aussi en garde contre le procédé capitaliste qui consiste à pénétrer les "affaires" qu'ils veulent "contrôler". C'est ainsi que les grands capitalistes d'ici cherchent à "contrôler" les partis plus ou moins révolutionnaires qu'ils redoutent. S'il arrivait quelque chose du côté catholique, je pense qu'il serait bon que vous alliez voir le Nonce apostolique et lui expliquiez la position d'Esprit. Parlez de cela à Raïssa, elle vous donnera aussi des indications pratiques pour cette visite. Je suis très content de la leçon donnée au Temps (le journal) et à Monsieur Barthélémy. Très content aussi de l'entrevue Gide-Berdiaeff (pp. 190-191).
Page 191 - Dans le numéro de mars d'Esprit, paraît un article : Naissance d'un esprit, l'affaire du Temps... à propos d'une conférence de Jacques Chastenet, directeur du Temps, présidée par Joseph Barthélémy. Ulmann et Izard étaient intervenus pour mettre en cause la gestion du journal, dominé par le COMITE DES FORGES (c'est votre serviteur qui souligne, nous y reviendrons). Par ailleurs, Gide note dans son journal au début de 1933 : "Remarquable, l'article de Berdiaeff : vérité et mensonge du communisme que je lis dans le premier numéro d'Esprit. Je le lis avec un contentement et un soulagement des plus vifs". Gide et Berdiaev se sont ensuite rencontrés. Mounier avait d'ailleurs écrit à Maritain le 8 février 1933 : "Gide a écrit à Berdiaeff : c'est ainsi que je suis communiste". Il l'a convié chez lui, longuement interrogé : "Vous m'avez réconcilié avec ma femme mais je crains qu'il soit trop tard pour le christianisme de se ressaisir" (p. 187).
Là-dessus, l'orage éclate. Mounier, le 28 mars 1933, dans ses entretiens, écrit : "Méchant (des diplômés aigris sans emploi) et pas fort, comme me le disait Raïssa Maritain au téléphone. On m'annonce que Coquelle prendrait notre défense dans La Croix". Mounier réagit ainsi à un article de François Mauriac dans l'Echo de Paris du 25 mars 1933 sous le titre Jeunes bourgeois révolutionnaires, article critique contre la revue Esprit (p. 191).
Le 18 mai 1933, Maritain écrit à Mounier (p. 196) : "Le dernier numéro d'Esprit (le VIII) : il contient de très bonnes choses mais tout de suite, je dois vous signaler... ce paragraphe de la "Chronique de la 3ème force" est tout à fait intolérable ; vous ne deviez pas laisser passer ça. Niaiserie "kerenkyste" parfaite. Faire une révolution en deux temps, d'abord "collectiviste" en collaboration avec les communistes, et ensuite "personnaliste", c'est idiot. Et c'est trahir les valeurs spirituelles que ces jeunes gens se donnent mission de défendre. Il est trop clair qu'entre le premier et le second temps, ils seront proprement éliminés, -ceux du moins qui ne passeront pas joyeusement au communisme-. La contradiction avec la dernière page de votre réponse à Mauriac est au surplus flagrante. Vous déclarez votre décision de faire effort pour écarter le risque (courageusement avoué par vous) que votre position puisse faire le jeu du communisme. Et 60 pages plus loin, vous imprimez des résolutions qui marquent en réalité complet abandon à ce risque !".
Maritain va alors s'évertuer, en moult explications, pour répéter à son ami ce qu'il lui avait déjà exprimé, jusqu'au point d'engager sa participation, faute d'une mise au point dans la revue et d'une séparation entre cette revue et la 3ème force. Il y mettra tout son coeur, sa peine, proposant de publier des lettres facilitant cette clarification, encourageant Mounier, lui conseillant même de travailler avec cette jeune femme que Mounier était venu lui présenter un dimanche après-midi à Meudon et qui allait effectivement devenir bientôt son épouse. Il va insister sur la vraie révolution spirituelle, sur ce qu'il appelle la purification des moyens : "Et cette question de la purification des moyens va beaucoup plus loin qu'on ne pense. Dès qu'on y réfléchit sérieusement, on est conduit à conclure à un total renversement des notions et des valeurs courantes : des moyens à base spirituelle, des moyens de "force de résistance" et de patience active comme ceux dont GANDHI (c'est votre serviteur qui souligne) a fourni un exemple doivent passer au premier plan. Les moyens de "force d'agression" devenant secondaires et accidentels. "Maritain insiste plus affectueusement : "Je ne pourrai pas toujours vous envoyer des pneus, ni vous écrire un longue lettre comme celle-ci. Je suis un peu las de ces "remontrances", que mon amitié m'oblige à vous envoyer, mon cher Emmanuel, et que vous accueillez, je le sais, avec une égale amitié. C'est à votre courage que je fais appel, à votre sens de vos responsabilités. Bien des jeunes gens qui sont avec vous ne sont conduits que par leur sensibilité. Tout repose sur vous, sur votre fermeté et votre amour de la vérité. Il faudrait vous jurer à vous-même de ne jamais laisser la vérité offensée dans la revue : ce qui vous oblige..."
Signalons quand même, au pendant de cette lucidité de Maritain, son attitude bien plus ouverte et complémentaire à l'égard du communisme, en toute franchise et clarté en quelque sorte. Dans ses carnets d'entretiens du 30 novembre 1930 que nous avons déjà signalés, Mounier poursuit (p. 65) : "Pendant que Maritain nous ait pris par un professeur irlandais de passage, nous nous demandons ce que fut le mobile des révolutionnaires russes et des révolutionnaires en général." A nos approches prudentes "Madame Maritain insiste dans le sens contraire. "Je n'ai pas connu les grands, mais les chefs du deuxième degré, et je vous assure que c'étaient des ardents, convaincus et généreusement dévoués au peuple. La révolution a soulevé un magnifique enthousiasme dans la jeunesse chez les étudiants. Arland lui rétorque : La jeunesse, les étudiants s'emballent-ils bien par amour du peuple ou non pas plutôt pour une idéologie ? Madame Maritain : c'est égal, même Lénine. A son mari qui revient à l'instant : J'étais en train de défendre la conviction des chefs communistes. Maritain : Ah ça ! c'est bien.
A partir de 1933, c'est désormais de l'Eglise (catholique), de l'archevêché de Paris, de Rome même, que viennent les difficultés, les rumeurs, les bruits de condamnation imminente, condamnation redoutée au vu, par exemple, de ce qu'elle avait coûté à l'Action Française. Aussi beaucoup redoublèrent d'efforts, entre autres les ecclésiastiques amis de la revue Esprit qui n'étaient quand même pas si rares, pour l'éviter. On connaît, bien sûr, la faction politique qui usait de toute son influence contre la gauche ou la supposée gauche ; mais s'agissait-il seulement d'une faction politique ? On a vu la prudence conseillée par Maritain à Mounier à propos des grands capitalistes qui pénètrent, noyautent, contrôlent les adversaires qu'ils redoutent.
Début 1933, Esprit avait critiqué le journal Le Temps du fait de l'emprise sur ce journal du COMITE DES FORGES. Le mardi 16 mai 1933, dans ses entretiens, Mounier écrit : "L'abbé Plaquevent me le dit : le Cardinal ne lit pas Esprit, évidemment. Là comme ailleurs, il demande : "dites-moi en deux mots". Si l'avis est bon, tant mieux, sinon, tant pis. Ils ne comprennent rien et ne voient rien aux mouvements des jeunes : et cela se traite au dessert, avec de vieux gros anciens sentiments." (votre serviteur : c'est ce qu'on appelle l'infaillibilité cléricale...)
Le dimanche 21 mai 1933, Mounier écrit dans ses entretiens (p. 206) : "Chez les Dominicains à Juvisy, l'abbé Plaquevent me confirme qu'en effet l'affaire est allée assez loin à l'archevêché sur dénonciation par un rapport de X (un x, me dit-il, qu'on ignorera sans doute toujours. Ma première hypothèse, me dit Coquelle-Viance : le Comité des Forges. L'affaire du Temps qu'il n'aurait pas digérée ?...) ...J'en parle à Coquelle-Viance que je sais bien en cour. Il va prendre la chose par le haut en voyant le Nonce. "Quant au chanoine Dupin, ajoute-t-il, je lui ferai peur".
Georges Coquelle, pourtant homme de droite, était directeur des publications de la Fédération Nationale Catholique du fameux général de Castelnau, hostile à Mounier, journaliste également à La Croix et à La Vie Intellectuelle. Il était cependant un appui fidèle et enthousiaste de la revue Esprit. Le mercredi 29 avril 1936, Mounier écrit à Maritain : "De Brouwer nous lâche (publicité). Dix mille francs par an ! C'est un coup dur... Il doit y avoir des influences en dessous...".
Pour ceux qui doutent de la puissance et de l'influence du Comité des Forges et de la synarchie que montre Annie Lacroix-Riz dans ses recherches historiques "sourcées", on peut voir qu'à l'époque, bien des gens savaient à quoi s'en tenir.
Le 17 novembre 1936, Maritain écrit à Mounier (p. 353). La guerre civile d'Espagne a commencé, Maritain et la revue Esprit vont être attaqués pour leur prise de position en France et à l'étranger. Georges Bernanos se revendiquera de leur position ; François Mauriac aussi. Dans ses carnets 1937, Maritain écrit (p. 360) : 8 juin, vu Bernanos chez Valléry-Radot. Conversation bouleversante sur la terreur blanche à Majorque. Dimanche 13 juin : après la messe à Meudon, Bernanos nous parle de Majorque et de son expérience de la guerre civile. Je lui lis mon article De la guerre sainte. Dimanche 4 juillet : l'après-midi, Bernanos vient à Meudon, nous donne son témoignage sur Majorque. L'assemblée est nombreuse... Ce sont des heures bouleversantes, et d'une rare dureté, sur la crête du scandale et du désespoir. Avant, pendant, le mal est venu du clergé. Voilà le fait."
Maritain présidera le Comité pour la Paix Civile et Religieuse en Espagne. Maritain écrira cependant dans cette lettre à Mounier du 17 novembre 1936 : "Malgré ce qu'a de bouleversant le témoignage de Semprun, c'est plutôt vers l'attitude indiquée dans le second témoignage (celui de Alfredo Mendizibal Villalba) que je me sentirais porté, et encore ce n'est pas cela. Je me demande si en pareil cas, ce n'est pas à une CATASTROPHE DU POLITIQUE (c'est votre serviteur qui souligne) qu'on assiste, ne laissant de place, pour ceux qui ont pris conscience de cela, qu'à un témoignage exclusivement évangélique."
Maritain reprochera même gentiment à Mounier de ne pas avoir, "à mon avis, présenté les deux témoignages à égalité", de ne pas avoir assez insisté sur les crimes contre les prêtres et les religieuses "en particulier par les anarchistes catalans qui ont agi systématiquement et par haine anti-religieuse."
La position suivie par le Comité, la revue Esprit et toutes les personnalités en accord avec eux, était, on le sait, celle du double refus des violences des deux côtés. Ils dénoncèrent ainsi tout autant les massacres de Guernica.
Ne peut-on dès lors constater, à la lumière de toutes ces correspondances et carnets intimes, bien des rapprochements de contexte, de situation, de sentiments et de dilemmes cruels, avec d'abord les années 50-70 et avec notre époque contemporaine ? Des références comme celles des réflexions de Maritain autour de Gandhi nous montrent par exemple la filiation spirituelle entre ces personnalités des années 30 et leurs mouvements avec les mouvements de la beat generation,
le Pèlerinage aux Sources de Lanza del Vasto. Cette voie au-dessus des partis et des idéologies dont se réclamaient ces personnalités, on allait la retrouver quelques années plus tard, entre 1940 et 1942, en pleine guerre, avec la voie proposée par l'Ecole des Cadres d'Uriage où quelques unes de ces personnalités, dont Emmanuel Mounier, se retrouveront d'ailleurs. C'est ce que l'historien politique René Rémond appellera la quatrième voie (voir notre article à la p. 3 de ce site, Antimondialisme, Orthodoxie, Métapolitique : René Rémond et les drôles de droite et gauche). Malheureusement, cette catastrophe du politique évoquée par Maritain face aux exigences de tous les partis, alors que la quatrième voie comptait encore dans le paysage, n'est-elle pas encore bien plus cruelle à notre époque du fait de la faiblesse de ce qu'il reste de cette voie dont vos serviteurs des Cahiers Résurgences essaient de maintenir une dernière lueur ?
Curieusement, nous venons d'entendre ce jour une intervention émue de Luc Ferry du 24 novembre 2025 à Bsean MediaTV sur le conflit Occident/Russie par l'intermédiaire de l'Ukraine et les dilemmes qu'il pose, lesquels peuvent rappeler le contexte des répercussions de la guerre civile d'Espagne en 1936, cette impossibilité de tenir une juste position qui bouleversait Maritain, Bernanos et bien d'autres. Un réveil salutaire ?
28/06/2025
SUITE *****UN AUTRE RECIT SUR LA MÊME BATAILLE SPIRITUELLE AUTOUR DU NATIONALISME CLERICAL
Le secret de MAURRAS : par l'abbé Georges de Nantes et le frère Bruno de Jésus-Marie (Bonnet-Eymard)
Avec ce texte, LE SECRET DE MAURRAS, que nous venons de découvrir à côté de notre référencement, nous avons un autre cas concret de cette même bataille spirituelle autour du nationalisme contre Le Pèlerinage aux Sources au coeur du XXe s. (voir article précédent) ; quoiqu'il n'y soit pas cette fois question d'un conflit avec un membre de cette mouvance spirituelle mais que nos deux frères l'envisagent presque essentiellement entre Maurras, l'AF et l'Eglise. Ici, l'abbé et son disciple écrasent Maurras et chargent malgré tout certains papes, en élèvent un, Pie X, afin de sauver davantage à leurs yeux l'Eglise et la promotion du règne du Christ. Qui plus est, ils rejoignent dans leur dernière découverte (le secret) nombre de conclusions et de reproches tenus à Maurras par leurs anciens adversaires, du temps où ils soutenaient eux aussi le Martégal.
Reconnaissent-ils ce dernier fait ?
Contre Maurras, ils sont même considérablement plus durs que votre serviteur. C'est ce qui nous surprend car ils nous font découvrir des propos terribles de Maurras contre le Christ et le catholicisme et d'eux-mêmes contre le Martégal ; eux que nous avions quittés si maurrassiens... Nous ne connaissions pas leur rejet si implacable de Maurras. Partant d'une adhésion si manifeste, à l'époque, à Maurras, leur itinéraire de remise en cause est tout à fait louable; il était susceptible de leur causer du tort . Quant au maurrassisme, nous sommes donc désormais d'accord avec eux sur de nombreux points. Sur la trahison de Maurras dans les années 30 au profit d'une collaboration avec le nazisme, futur puis au pouvoir, le texte ne dit rien. Ils auraient dû se rendre compte qu'étant donné les conséquences, qu'ils admettent à présent, de l'influence du maurrassisme, un certain rapprochement avec le nazisme, le positivisme nazi, était dans la logique des choses : voir à ce sujet notre article de la page d'accueil de ce site sur Jacques Maritain, ses propos de 1940 sur la morale de hara des nazis (d'approvisionnement de chair à canon) lorsqu'il constatait que l'idée était reprise par les nationalistes français. Ce relent nauséabond ne traîne-t-il pas toujours ?
Quant à leurs positions proprement spirituelles sur la religion catholique, elles ne nous ont pas surpris ("Il est ressuscité",
n° 209, mai 2020,anciennement La Contre-Réforme Catholique
le secret des intégristes : vrai secret de Maurras
05/07/2025
SUITE de l'ARTICLE sur le SECRET de MAURRAS
Reconnaissent-ils ce fait ? nous sommes-nous interrogé au début de cet article. En effet, en lisant le texte du frère Bruno rapportant de nombreuses citations de l'abbé de Nantes et contextualisant l'évolution de sa démarche, une première impression nous a frappé compte tenu que ce frère est censé rapporter la démarche spirituelle d'un homme d'Eglise, c'est-à-dire travaillant dans le cadre d'une lignée d'Eglise et de tradition : le frère Bruno veut nous raconter la manière dont l'abbé aurait découvert une caractéristique inconnue jusque là de la pensée et de la vie de Maurras. Nous avons donc remarqué, parmi les citations de l'abbé, une partie de celle de la Mutualité du 15 juin 1995 portant sur la condamnation de l'AF :
"Pendant toute une partie de ma vie, j'ai justifié Maurras et réclamé contre la mise à l'index du Chemin de Paradis. PUIS UN JOUR LA VERITE M'EST APPARUE..." (c'est nous qui soulignons).
Nous pensions trouver des citations et des mentions des auteurs, d'Eglise en particulier mais pas uniquement, sur lesquels l'abbé aurait appuyé les dernières étapes de sa recherche intellectuelle, puisque depuis plus de 70 ans (par rapport à 1995) des auteurs ont critiqué Maurras avec pertinence et que le début du texte du frère Bruno nous montrait que l'abbé rejoignait cette critique. Or, dans tout le reste de son texte, on ne trouve aucune citation de l'abbé de Nantes se rapportant à d'autres critiques de Maurras et le frère Bruno n'évoque rien à ce sujet. Il cite à deux ou trois reprises des propos de l'abbé contestant désormais la "primauté du politique". C'eût été l'occasion de situer la réflexion par rapport à celle qui a agité les esprits en 1926-27, au moment de cette condamnation de l'AF, c'est-à-dire la publication par Jacques Maritain de son ouvrage Primauté du Spirituel ; un Jacques Maritain qui s'était donné beaucoup de mal jusque là pour défendre Maurras. Or l'abbé partage bien désormais ce point de vue. Juste avant, le frère cite des propos d'un sermon du 29 septembre 1986 :
"...il faut que Maurras cède enfin et reconnaisse qu'on ne peut rien faire en France sinon avec le secours de l'Eglise catholique et que c'est véritablement un contresens et un blasphème de dire que l'Eglise catholique peut ne pas être chrétienne, que la grandeur de l'Eglise catholique lui vient d'ailleurs que du Christ lui-même".
Ne croirait-on pas lire le père Henri de Lubac critiquant Auguste Comte dans ses ouvrages Le Drame de l'Humanisme Athée et Affrontements Mystiques, et critiquant Charles Maurras de suivre le système d'Auguste Comte qui admirait l'Eglise romaine comme prolongement de la Rome antique et y trouvant son fondement ; dans l'oubli total du Christ. Ni l'abbé ni le frère ne situent une fois encore cette réflexion par rapport à toute la lignée des réflexions sur Maurras au cours du XXe s. Bien entendu, l'abbé de Nantes qui a avoué être à l'époque conscient du litige avec Maurras, a connu tous ces textes au séminaire. Dans ses paroles citées, il ne fait aucun rapprochement avec Auguste Comte ; en tout cas dans l'extrait donné par le frère Bruno. Il pouvait savoir aussi que dans les années 1900-1910, il y avait eu des polémiques et des divisions internes à l'AF directement en rapport avec le comtisme de Maurras. Et en 1986, le frère Bruno nous laisse sur l'impression que l'abbé de Nantes a presque subitement découvert, comme par une révélation, toutes ces analyses critiques de Maurras largement connues depuis plus de 70 ans. Tout cela laisse rêveur...
Les intégristes ont cette spécialité de reprocher à tel ou tel de faire preuve d'individualisme, de péché d'orgueil, de ne pas se situer dans une lignée, une tradition, une obéissance ; or la situation, le contexte auquel se rapporte le texte du frère Bruno était d'autant plus une occasion de situer encore plus précisément la réflexion de l'abbé dans toute la lignée de la tradition et de l'Eglise. Cette carence n'est-elle pas symptomatique ? Bien entendu, elle n'est pas le seul fait de l'abbé de Nantes.
De quoi donc est-elle le symptôme ?
Le naturalisme des catholiques intégristes
Sur les vraies conditions du salut
02/07/2025
SUITE de l'ARTICLE PRECEDENT sur le SECRET de MAURRAS
Nous voyons par exemple que l'abbé de Nantes et ses successeurs depuis, malgré sa condamnation très dure du maurrassisme, revendiquent encore la nécessité du nationalisme, un nationalisme catholique disent-ils. Mais l'abbé avait-il oublié sur quoi il appuyait son credo nationaliste du temps où il soutenait Maurras ? Il l'appuyait sur le raisonnement principal et pourrait-on même dire unique de Maurras : le positivisme. Il ne pouvait l'appuyer sur rien d'autre d'autant que Maurras était très clair et l'abbé dit avoir redécouvert sur le tard cette détermination. Mieux : il reconnaît qu'à l'instar de bien d'autres, il faisait preuve de quelque désinvolture à l'égard des mises en garde du Martégal, gênantes pour le catholicisme. Les soutiens de Maurras appuyaient donc leur nationalisme uniquement sur le positivisme comtien de Maurras et il en était ainsi parce qu'à leurs propres yeux ils savaient, reconnaissaient, au fond à leur corps défendant, de mauvaise grâce, qu'ils ne pouvaient trouver d'autre justification au nationalisme. Ils avaient déjà abandonné le coeur de leur conviction, de leur fidélité, ce coeur ancré dans le passé historique, l'héritage, la tradition.
En reconnaissant la véritable nuisance du naturalisme de Maurras, vous vous ôtez toute légitimité de revendication au nationalisme. Au premier chef, cette reconnaissance ne revient-elle pas à admettre que le nationalisme ne peut être un remède contre le mal puisqu'il est sinon le mal lui-même, du moins un sous-produit de réaction face au mal principal dont il reste dépendant ? La théorie maurrassienne relevait de ce dernier cas, une gnose, une idéologie. Ajouter le mot catholique ne change rien à la chose ; il continuera à en être des mêmes conséquences désastreuses que celles que l'abbé lui-même avait déjà relevé sur le tard pour les péripéties du XXe s. : dans nationalisme catholique, on ne verra plus assez vite que nationalisme et bientôt pur naturalisme, que "droite areligieuse", selon ses propres mots.
Vous ne pouvez en toute vérité à propos du nationalisme que tirer les mêmes conséquences que Jacques Maritain après 1927 ou Martin Heidegger après 1934, ou Ernst Jünger. Si l'on veut tendre ses espérances, ses actes, essentiellement vers le Bien, le Divin, il n'y a rien à espérer de l'Etat, du politique, sauf évidemment des améliorations superficielles, des reculs provisoires du mal, toujours bons à prendre, certes, si on les relativise. Qu'il faille malgré tout, en fonction de l'état des forces du moment, remplir certaines obligations ne signifie pas quelque soumission à la nature des racines premières, désormais antéchristiques, des institutions ; cela signifie user le moins possible de ces obligations et en tout cas en user comme n'en usant pas, selon le mot de St Paul.
C'est un crime de tromper les peuples, de leur laisser accroire, comme il en a été de Maurras et de ses soutiens intégristes, qu'on pouvait espérer de l'Etat, du politique, tel que présent en ce monde, une véritable édification, à lui seul en quelque sorte, du Bien. Sans compter que cette exaltation du politique* ne nuit pas seulement au spirituel mais aussi bien au politique lui-même dont on ne fait que solliciter les aspects monstrueux, en confiant par exemple fatalement le pouvoir désormais démesuré de l'Etat, du médiatique, du sociétal à des caractères pervers, débiles, corruptibles, etc.
Jacques Maritain, Emmanuel Mounier, Gandhi et d'autres, dans les années 30, Lanza del Vasto et les chantres de la Beat(itude) Generation (Aldous Huxley, Alan Watts, Martin Heidegger...) dans les années 50-70, ont conseillé, poussé d'abord à la renaissance, à la purification personnelle, inondées d'En-Haut, puis à oeuvrer par petits groupes de communautés autonomes qui pourraient peut-être un jour, sans l'avoir cherché à ce point, faire tache d'huile et, qui sait, soulever, fracturer les superstructures du Léviathan. Les St Benoît et autres saints, c'est-à-dire les "clochards célestes" (Jack Kerouac) de leur époque, dont on considère qu'ils ont créé ou recréé la civilisation, seraient probablement les premiers étonnés de voir les pensées, le plan qu'on leur attribue.
* 10/07/2025 LA GRANDE BOUCHE d'EGOUT : COUR DES MIRACLES DE LA FAUSSE MYSTIQUE DU POLITIQUE
Cette exaltation du nationalisme, entre autres dimensions politiques, aura eu tôt fait de se déverser, de s'avilir en effet en exacerbation d'infra-politico-social ; "tout passe, tout lasse" en excrétions multiformes, caricatures grotesques, libidineuses ou violentes des anciennes puanteurs et élégances pomponnées d'un monde disparu, caricatures des complots, du militantisme, de l'héroïsme d'un autre âge, ces âges où l'on tempérait, où l'on saignait le mal par des complots, des assassinats. Organise-t-on encore des complots ? mieux et pire que cela : on ne fait plus que du complotisme.
On trouve un exemple caractéristique de cet avilissement dans l'ambiguïté que nous avons évoquée de Maurras et des catholiques les uns vis à vis des autres. On la retrouve en effet entre les catholiques toujours et certains nouveaux , disons leaders d'agitation nationaliste qui veulent bien accepter le catholicisme pour des raisons politiques nationales historiques mais entendent bien se faire comprendre de ces cathos intégristes quant à l'existence à leurs yeux, disons d'autres traditions de gauloiserie, toujours selon leur opinion, parfaitement vénérables et utiles. Ne dit-on pas que les Romains en des temps anciens, l'enlèvement des Sabines... Il y a aussi le cas de Lot (dans la Bible, pas le département) mais là l'origine de l'initiative est fâcheusement inversée : encore un coup des Sémites bien sûr, il n'est pas sûr que notre leader d'agitation apprécierait la plaisanterie. Hélas ! on n'est pas toujours maître du lot réservé par le sort. En tout cas on peut apprécier la nature des couleuvres que les intégristes nationalistes qui ont besoin de ces leaders doivent désormais avaler en comparaison de celles
évoquées par l' abbé de Nantes avec Maurras ; du doctrinal au trivial libidineux. L'étendue du droit de cuissage serait-elle l'ultime fin du nationalisme ?******************************( certes, nationalistes et intégristes s'étaient déjà étendus sur ces sujets dans les années 1930-40, voir article sur la tentation bio-raciste à la page d'accueil de ce site.)
Pour en revenir à notre sous-article précédent à propos de l'abbé de Nantes, la question intéressante à poser, c' est : pourquoi l'abbé Georges de Nantes a-t-il vendu la mèche ? Pour des raisons de situation générale et des raisons personnelles. Sur ces dernières, nous avons quelque idée, l'ayant connu personnellement.
Il était dans la mouvance intégriste nationaliste, mis à part, ostracisé. On lui a fait payer cher ce pavé dans la mare... Le texte du frère Bruno semble nous montrer deux pics dans la révélation du secret : l'année 1986 puis à partir de 1992. L'échec de ses deux Liber Accusationis devait toucher l'abbé. La déconfiture persistante de l'Eglise, le brillant trompeur et superficiel du règne de Karol Wojtyla, son ostracisation par le milieu nationaliste et, cerise sur le gâteau, la montée subite du Front National qui devait commencer à siphonner ses troupes et celles de l'AF, tout cela a pu jouer vers 1986, au point de se rendre compte que l'accord tacite avec Maurras devait être dénoncé et lui faire jouer un va-tout, bien dans son style (l'idée de l'ordalie contre Mgr Lustiger). Rien n'y a fait, toutes ces causes se sont aggravées et à partir de 1992, l'année du traité de Maastricht qui a dû le secouer, il s'est enflammé davantage.
20/08/2025
MAURRASSISME, PAPISME vers "MAGA"
Ces derniers jours, nous avons pris connaissance de déclarations diverses sur le catholicisme de la part de catholiques américains membres du MAGA. Cela nous montre d'une part l'importance et l'implication du catholicisme papiste dans le mouvement MAGA qui soutenait jusqu'alors Donald Trump ; d'autre part l'alliance de ce prétendu conservatisme américain avec les positions papistes les plus outrées ainsi qu'avec le pro-papisme d'un Charles Maurras ou d'un Auguste Comte. L'héritage de ces divers papismes est donc assuré. Ce que craignait l'abbé de Nantes (et que nous avons rapporté au-dessus) s'est donc bien produit. Bien sûr, ce papisme américanisé s'appuie sur une appréhension de la théologie d'une médiocrité sans pareille, au point que Nick Fuentes, dans son débat avec l'orthodoxe Jay Dyer, affirmait en toute tranquillité que dans le texte de l'Apocalypse, c'était l'apôtre Pierre qui parlait aux sept Eglises ; tant il voulait voir l'autorité et les décisions de Pierre partout, dès la disparition du Christ... Curieusement, ce même Nick Fuentes et d'autres catholiques américains s'avèrent en même temps très friands de certaines considérations sur la kabbale (voir notre article sur ELIPHAS LEVI à la page 1 de ce site: Prophéties du XIXe s sur le rôle de la Russie) ;
considérations qui, avec le papisme simpliste de ces catholiques américains, sont aussi très présentes chez les catholiques traditionalistes français ou leurs alliés païens
La véritable position de FATIMA sur la RUSSIE et les conflits mondiaux
23/07/2025
Ayant de par les articles précédents fureté parmi les textes de la Contre-Réforme Catholique de l'abbé de Nantes, nous avons repris un ouvrage lu il y a fort longtemps : Toute la Vérité sur Fatima, en particulier son tome II, Le Secret et l'Eglise (1917-1942), publié en 1984 par la CRC, écrit par le frère Michel de la Sainte Trinité. Incidemment, en feuilletant, deux passages ont retenu notre attention : le premier, p. 480, où le frère Michel dit que la Vierge de Fatima a prophétisé la seconde guerre mondiale, en a prédit ceci et cela..., puis : "mais voici l'étonnant, elle n'a fait aucune allusion à l'agression allemande. Ce point du message n'a pas manqué de surprendre, de scandaliser même, ceux qui, à l'époque et depuis lors, s'obstinent à voir dans le nazisme le pire ennemi du genre humain et la bête de l'Apocalypse".
On serait en droit de faire remarquer au frère Michel que l'agression allemande n'est tout de même pas un élément négligeable de la seconde guerre mondiale mais plutôt l'élément central et que cet oubli est plutôt curieux pour une prophétie.
Le deuxième passage, p. 280 : "Et, de fait, Lucie ne dit pas un mot de la Russie jusqu'en 1929. Si bien que le parallèle chronologique qui rapproche mois par mois les événements de Moscou et de Fatima survenus en 1917 est pratiquement insignifiant et le plus souvent arbitraire... Bref, il est vain de chercher dans le Secret de Fatima la clef des divers épisodes qui ont abouti à la "Révolution d'Octobre". Mais en revanche, c'est bien plutôt l'histoire de la tyrannie soviétique de 1917 à 1929 qui permet de comprendre la portée véritable, et du grand Secret, qui aurait être divulgué vers ces années 1927-1930, et de la grande révélation de Tuy en 1929.".
Voilà qui est intéressant. Le premier passage a scandalisé, cela peut se comprendre. Le frère Michel pointe du doigt la dispute toujours contemporaine de l'équivalence entre le nazisme et le communisme. Enfin, il propose d'appréhender le message de Fatima en fonction non pas de la révolution soviétique de 1917 mais de l'histoire de l'URSS dans les années 1920-1930. Reprenons l'idée mais en y ajoutant, parallèlement à l'histoire soviétique, l'histoire de la politique vaticane. La démarche personnelle du frère Michel s'accorde-t-elle bien cependant avec ce qu'il a écrit p. 181 : ""La Russie se convertira." De fait, quelle grâce c'eût été, et pour le monde entier, si en 1929-1931, par un miracle du Ciel, la Russie soudainement délivrée de la barbare tyrannie bolchevique, et, par surcroît, de son malheureux schisme séculaire, était rentrée enfin de façon officielle au bercail de l'unité romaine ! Sûrement, la face du monde et de l'histoire politique du siècle en eussent été changées. La Seconde Guerre mondiale n'aurait pas eu lieu. Et les nations hérétiques, schismatiques ou païennes, attirées par l'exemple de l'immense et puissante Russie, conquises par une Eglise romaine ayant de ce fait retrouvé partout force et prestige, auraient, elles aussi, repris le chemin de l'unité catholique."
Cher frère, pour ceux qui n'auraient pas compris que vous étiez dans l'erreur papiste..., votre recherche est orientée dès le départ. Peut-elle analyser objectivement la situation ? Reprenons donc l'histoire de Fatima. En 1917, Lucie, Jacinthe et François, enfants, disent avoir reçu plusieurs demandes de la Sainte Vierge ; en particulier le 13 juillet. Le contenu de certains secrets et demandes, ils ne les donnent pas. Nous sommes donc encore en plein coeur du conflit mondial où l'Allemagne joue déjà le rôle central. Le tsar gouverne encore une Russie chrétienne malgré les premiers soubresauts de la révolution. Les enfants, donc, n'expriment rien des dites demandes de la Vierge sur la Russie. Les années passent, la guerre est terminée, le tsar est renversé, la Russie devient communiste. La soeur Lucie continue de recevoir des messages de la Vierge.
Qu'en est-il de l'histoire soviétique et vaticane ? Le frère Michel lui-même, p. 388, cite la "germanophilie" de la papauté et l'Allemagne rendue à ses "dieux païens". Dans le chapitre 8 de la troisième section, il évoque l'Ost-politik du pape Pie XI de 1922 à 1931 ; c'est-à-dire que, malgré sa germanophilie, le pape cherche quand même à s'entendre avec la Russie, à y établir en accord avec le gouvernement des paroisses catholiques et des séminaires. Il tranche même pour la non-récitation du Filioque
(c'est bien du catholicisme papiste : Le Filioque est la Vérité mais on peut l'omettre !) mais en 1929, changement de décor : la politique de Staline vire à la répression féroce. Le pape comprend qu'il n'y a plus rien à espérer et commence à changer de politique. Or, en l'an 1929, que se passe-t-il également ? Le jeudi 13 juin 1929, Soeur Lucie aurait reçu un message du Ciel où il serait entre autres dit : "Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Coeur Immaculé, promettant de la sauver par ce moyen." Pour la première fois, donc, semble-t-il, si l'on se fie aux déclarations de Soeur Lucie et d'autres, notre Soeur Lucie exprime au grand jour, c'est-à-dire dans un premier temps à son confesseur la demande de consécration de la Russie ; son confesseur, le P. Gonçalves, jésuite, supérieur de la communauté où elle réside.
"Mai 1930 : Le Ciel précise ses demandes". Le Ciel aurait en effet fait savoir à Soeur Lucie que "les deux demandes de la consécration de la Russie et de la dévotion réparatrice doivent être adressées conjointement au Saint-Père lui-même.
Le P. Gonçalves, mis au courant, et se rendant peut-être compte qu'en effet, l'heure est plus favorable que jamais -le Saint-Père ne vient-il pas d'organiser à Rome une cérémonie solennelle de réparation pour la persécution en Russie ? (une messe le 19 mars 1930)- ordonne à Soeur Lucie "de mettre tout cela par écrit"" (p. 331). Le frère ajoute p. 333 : "Sans doute désirait-il (le confesseur) un document parfaitement clair pour le transmettre aux autorités supérieures".
Le frère ajoute cette remarque savoureuse : "Alors, il est très probable que le P. Gonçalves, après la réponse décevante de Mgr da Silva, tenta de transmettre les demandes du Ciel au pape Pie XI par d'autres voies. La chose n'était guère difficile à un jésuite, et qui, de plus, était supérieur d'une communauté. Il avait bien des moyens à sa disposition pour y parvenir".
C'est ce qu'on pourrait appeler de l'anti-jésuitisme secondaire. Le frère ajoute ensuite : "Comme la suite nous le montrera, le pape Pie XI eut sûrement connaissance des demandes du Ciel entre juillet 1930 et août 1931".
Sautons quelques années et arrivons en 1941 : en juin 41, l'armée nazie attaque subitement et envahit l'URSS. Peu après, "Ce fut à ce moment-là, durant l'été 41, que soeur Lucie reçut l'inspiration divine de faire connaître le grand Secret de 1917où la Russie était désignée nommément comme l'ennemi le plus redoutable, tout à la fois de l'Eglise, de la Chrétienté et de la paix du monde". Donc au moment où l'URSS est attaquée par l'Allemagne et devient l'alliée, on nous annonce que le grand Secret de Fatima en 1917 la considérait comme l'Ennemie majeure. Or le Vatican n'a pas varié sa politique pro-germanique et ne la changera pas jusqu'au bout. Le frère Michel explique bien, p. 480, que la soeur Lucie, dans ses paroles, ses prières, est restée bienveillante avec l'Allemagne.
Que constate-t-on dans tout cela ? Si l'on se fait l'avocat du diable, comme c'est de règle dans les enquêtes de canonisation, on peut s'interroger. Le contenu des messages célestes est à chaque reprise (1917, 1929, 1930, 1941) dévoilé au grand jour ou pas du tout( en 1917)après les événements sur lesquels ce contenu s'exprime et après les changements de la politique vaticane, en fonction des circonstances événementielles ; changements secondaires par rapport au but qui ne varie pas : l'alliance de la papauté et du Saint-Empire. Par exemple en 1929, année d'un de ces changements et de la révélation de Tuy, le pape demande au Carmel de Lisieux de prier pour le retour de l'Action Française dans le giron de l'Eglise. Il a compris que sa condamnation de 1927 avait eu des résultats catastrophiques. Il n'avait plus voulu de l'anti-germanisme de l'AF qui gênait sa politique vaticane, il allait vouloir que l'AF devînt pro-germanique et collaboratrice : il y a bien un parallèle entre l'attitude du Vatican vis-à-vis de l'AF et son attitude vis-à-vis de Fatima. Quoiqu'on pense de la vérité du message, de son contenu, les rapprochements que nous venons de faire sont indéniables. On va nous dire : tout le monde n'a peut-être pas tout dit ou bien des mots de soeur Lucie ont peut-être été mal traduits, mal interprétés... De fait, à plusieurs reprises, le frère fait remarquer que Lucie est habitée d'un très grand souci de bien correspondre aux volontés et aux paroles du Ciel, d'autres fois d'un tout aussi grand souci de correspondre avec, de suivre, les intentions, les volontés des autorités ecclésiastiques, d'une certaine manière de bien anticiper peut-être...
Ajoutons qu'en ce qui concerne l'histoire de l'URSS, il y aurait peut-être bien des choses à revoir. Le frère Michel, comme beaucoup d'autres, répète un "narratif" hostile à l'URSS bien ficelé depuis des décennies. Sur la politique de répression de Staline, les travaux d'Annie Lacroix-Riz et d'autres historiens anglo-saxons apportent un nouvel éclairage ; par exemple sur l'affaire Toukhachevski. Le narratif avait déclaré que ce grand militaire, héros prestigieux, était craint par Staline comme concurrent, ce qui aurait expliqué sa persécution. Or Annie Lacroix-Riz nous révèle qu'à l'examen des archives occidentales (généraux, politiques, services secrets, diplomates, etc.), bien de ces responsables savaient qu'effectivement il trahissait l'URSS et son gouvernement dans le but, peut-être, de faire un coup d'Etat et de s'entendre avec l'Occident. Sur la question des famines, Annie Lacroix-Riz apporte aussi un tout autre éclairage. Cela n'empêche pas de reconnaître les fautes, manquements et culpabilités du stalinisme, à condition de ne pas en inventer et de suivre bêtement le narratif inventeur.
Le frère Michel, p. 481, s'aveugle sur les actes du nazisme et leurs conséquences : "Le nazisme n'était-il pas, à tout prendre, qu'une nouvelle poussée du germanisme séculaire ?". Il l'était en effet, mais poussé à la démesure. Deux lignes plus loin, il écrit : "(Les nations d'Europe)... Mais aveuglées par leurs idéologies maçonniques et démocratiques, antichrétiennes et antifrançaises, elles laissèrent ce nouveau pangermanisme naître et prospérer..."
Cher frère Michel, ne trouvez-vous pas que votre réflexion, juste, rejoint le revirement à partir de 1986 à propos de Charles Maurras, de l'abbé Georges de Nantes, votre ancien père spirituel( voir au-dessus sur cette page les articles au sujet du secret de Maurras) ? En voulant ignorer tout un pan fondamental de la pensée de Maurras, vous avez favorisé naturalisme, paganisme, orgies et débauches de toutes sortes, dont on voit l'accomplissement actuel dans l'empire universel libéral et nazi, la vraie bête de l'Apocalypse.
Conférence mystique
René Guénon illuminisme le roi du monde
vs Orthodoxie
de l'essayiste orthodoxe***** Jacques Perrin
************************ à Carluc en Luberon du 31 mai 2025 à renouveler
( VOIR RENSEIGNEMENTS sur la page d'accueil du site www. cahiersresurgences.eu et sur ce site la page 3 "métapolitique")
Conférence TRADITION MYSTIQUE vs
révolution XVIIe jésuite Descartes
CONFERENCE MYSTIQUE n° III de l'ESSAYISTE ORTHODOXE Jacques PERRIN
mai 2025 à Carluc en Luberon - à renouveler
Renseignements pratiques et autres : voir partie conférence de la page Voie Mystique... du site www.cahiersresurgences.eu
Conférence mystique en compagnie d'ALDOUS HUXLEY, du Père Henri BREMOND, sur les guerres internes et les révolutions du XVIIe s., centrée autour de la vie et de la pensée du Père Joseph, conseiller de Richelieu, face à la tradition mystique venue de l'antiquité et de l'Orient. Y seront abordées les batailles internes entre capucins, oratoriens, jésuites, Bérulle, face au Carmel, à la Visitation, à la tradition mystique, sur fond de jeux cruels ou subtils entre le P. Joseph, Marie de Médicis, Henri IV puis bientôt Louis XIII et Richelieu et d'anciennes guerres entre les politiques, les protestants, la Ligue du duc de Guise et de guerre toujours en cours entre le royaume des Lys et le Saint Empire, les Habsbourg. Sous l'influence du jeu subtil et de la vie intérieure du P. Joseph et de Richelieu, l'idéologie nationaliste va progresser peu à peu, dans l'atmosphère de la Guerre de Trente Ans et bientôt du traité de Westphalie.
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